Episode 2 : un pari olympique
Programme des épreuves
Suite à l’étude du projet de norme PR NF EN 17860-2 et à mes échanges avec l’UTAC de Montlhéry, voici où j’en étais donc. Pour ceux qui découvrent cet article et qui ne comprennent pas trop ce que je raconte, je vous invite à lire « Certification mécanique – Episode 1 : la jungle bibliographique ».
Au programme de ces essais de tenue mécanique du cadre : 4 essais en fatigue et 1 essai d’impact.
Les essais en fatigue sont des essais au cours desquels on vient solliciter le cadre du vélo à l’aide de vérins, dans différentes situations, afin de reproduire les contraintes que verra le vélo de façon répétée. Exemple : les efforts de pédalage ou divers autres sur le pivot de fourche à l’avant, le poids sur la selle et puis surtout le chargement puisque nous parlons bien ici de vélo cargo ! Ces essais sont longs car il faut répéter un certain nombre de fois les efforts en question, un peu comme si on sautait dans un trampoline.
Etant donné l’utilisation commerciale et professionnelle que je destinais à mes biporteurs, j’ai choisi le nombre de cycles le plus contraignant de la norme, à savoir grosso modo 200 000 cycles pour chaque essai, soit presque 1 million de cycles au total. Et puis, il a également fallu que je choisisse la masse que je voulais garantir pour le chargement de la caisse. Et bien disons 100 kg ! En vrai, il ne faut pas se mentir non plus : au-delà de 100 kg le vélo devient difficilement pilotable, surtout à basse vitesse. 100 kg c’est très bien, c’est rond, et c’est aussi ce que garantissent la plupart des grandes marques de vélo cargo pour leur biporteur.
Cette masse de 100 kg que j’ai choisie va très fortement influencer la valeur de la plupart des efforts appliqués par les vérins lors des essais cycliques, et elle va être déterminante également pour l’essai d’impact.
Je n’ai d’ailleurs pas encore parlé de ce dernier essai. Le cadre du vélo va se voir affublé de tout un tas de masses, autrement dit des poids ou des haltères à divers endroits, et dans mon cas, cela va correspondre à 100 kg de pilote et 100 kg de chargement. Puis l’avant du cadre va être soulevé d’une vingtaine de centimètres avant d’être lâché soudainement trois fois consécutives.
Voici donc le programme qui attendait l’une de mes fabrications. Voyons maintenant son profil.
La délégation Unikle
Comme je l’ai mentionné dans mon précédent article, j’ai fait le choix de faire ces essais destructifs dans un soucis de sécurité pour mes clients, et pour cela, j’ai dû m’imposer un cadre unique pour le modèle biporteur.
Juin 2024, à l’heure où j’écris, cela fait un peu plus de deux ans que mon tout premier prototype de biporteur est sorti du moule.
Comme vous pouvez le voir, ce modèle a fait du chemin depuis. Deux prototypes, que j’ai qualifiés de « pré-séries », ont vu le jour il y a un peu moins d’un an. Le concept obtenu m’a paru suffisamment satisfaisant pour continuer l’aventure. Je reviendrais, je pense, plus en détails dans un autre article, sur le développement et les évolutions de la conception.
Voici donc venu le moment de figer une conception et un design pour la suite de mes fabrications de biporteur. J’ai passé l’automne et l’hiver dernier à améliorer ce qui à mon sens pouvait encore l’être et à peaufiner mes choix techno, en tenant notamment compte des retours des fournisseurs de composants majeurs, afin que les interfaces coïncident parfaitement. Le cadre qui partira aux essais sera donc le premier cadre « série ».
Vous l’aurez compris, envoyer un cadre en « essais destructifs de tenue mécanique » signifie tester et valider une géométrie et un procédé de fabrication. Cela va donc de soi de ne plus apporter de modifications structurales par la suite, au risque de rendre obsolète la certification, et de devoir la recommencer. D’autant que vous imaginez bien que ce type de démarche est coûteuse. Il faut payer la prestation du laboratoire d’essais, mais également le transport, et puis surtout, il faut que je fabrique un cadre aussi bien que je le fais d’ordinaire, mais pour rien. Un cadre, de la matière (dont des pièces usinées pour la première fois) et du temps ; ça aussi ça a un coût non négligeable.
Enfin, il faut savoir que cette norme, comme bien d’autres, permet d’utiliser un cadre par essai. Et les grosses marques de vélo ne se gênent d’ailleurs pas pour envoyer plusieurs cadres. Or, je n’ai malheureusement pas le budget pour envoyer au rebut 5 cadres… Donc nous enverrons seulement un cadre, et il devra subir (et supporter) absolument tout !
On croise les doigts !
Le tableau des médailles
Pour l’anecdote, figurez-vous que nous étions le premier cadre de biporteur que recevait le laboratoire d’essais pour subir les essais de la norme PR NF EN 17860-2. Mais j’étais très impatient de connaitre le verdict : je voulais savoir pour entamer au plus vite la fabrication de mes premières commandes (ou bien corriger immédiatement la conception) et je voulais aussi savoir avant de me rendre fin juin au salon des Prodays de Toulouse.
Vous me croyez si je vous dis que tout prend du temps* ?
* Quand on veut faire les choses bien 😉
J’avais déjà mis plus de temps que souhaité pour envoyer notre cadre en région parisienne, et voici maintenant que le délai du côté du laboratoire s’allongeait lui-aussi désespérément. La faute aux ponts de mai, à la mise au point des bancs d’essais ou tout ça à la fois. Mais dès lors que le labo a enfin pu lancer la campagne d’essais, mon pauvre cadre série a été torturé dans tous les sens, nuit et jour, pendant plus de 3 semaines.
Et le verdict me direz-vous ?
C’est réussi !
Le jalon est passé haut la main, puisque, même en cumulant tous les essais, le cadre n’a non seulement pas cassé, mais il ne s’est déformé que de 10% de la valeur autorisée par la norme. Applaudissements, tape sur l’épaule et champagne ! « Je remercie ma femme, mes enfants et mes proches sans qui tout cela n’aurait pas été possible ».
Voici un petit aperçu des essais en question :
Pourquoi un ananas ? Et pourquoi pas !
Il n’empêche qu’avec tout ça, nous avons décidé de garantir à VIE le cadre des biporteurs Unikle.
Maintenant nous avons du concret pour les arguments fiabilité et durabilité.
Choisissez un artisan pour la fabrication de votre vélo cargo et obtenez un vélo local, sur mesure et mais surtout durable !